La controverse de Valladolid, qui a lieu en Espagne du au , est un débat politique et religieux concernant les relations entre les colonisateurs espagnols en Amérique et les indigènes amérindiens. Le débat a lieu, d'une part au collège San Gregorio de l'université de Valladolid en deux séances d'un mois chacune (l'une en 1550, l'autre en 1551), d'autre part et principalement par échanges de lettres.
Organisé sous le pontificat du pape Jules III à la demande de Charles Quint, roi de Castille et d'Aragon depuis 1516[1], ce débat réunit des théologiens, des juristes et des administrateurs de haut rang, afin de « traiter et parler de la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde, suspendues par lui, pour qu'elles se fassent avec justice et en sécurité de conscience »[réf. souhaitée]. La question est de savoir si les Espagnols peuvent se fonder sur un « droit de conquête » pour dominer et convertir par la force les populations indigènes[réf. nécessaire] ou si les différents peuples amérindiens (appelés Indios, « Indiens », par les colonisateurs) sont de légitimes possesseurs de leurs territoires, les Espagnols devant alors se limiter à une colonisation pacifique et à des conversions volontaires.
Le débat est particulièrement marqué par l'opposition entre Bartolomé de Las Casas, dominicain présent en Amérique depuis les années 1510, devenu le « défenseur des Indiens », et le théologien Juan Ginés de Sepúlveda. Leur divergence se concentre particulièrement sur l'interprétation des critères donnés par Aristote pour identifier les « esclaves naturels » qui peuvent être soumis par la force : « Chez tous ceux chez qui l'emploi des forces corporelles est le seul et le meilleur parti à tirer de leur être, on est esclave par nature » (La Politique, Livre I, 1255a, § 13).
La pratique du sacrifice humain observée dans les civilisations précolombiennes est utilisée par Sepúlveda comme justification du droit de conquête. Au contraire, Las Casas affirme la capacité des indigènes à abandonner leurs coutumes inacceptables, si des moyens adéquats et pacifiques sont utilisés pour les aider à se convertir.
Le débat de Valladolid est un prolongement de différentes lois adoptées depuis l'arrivée des Espagnols en Amérique. En 1526, notamment, Charles Quint a déjà promulgué un décret interdisant la réduction en esclavage des Indiens dans ses possessions américaines ; en 1542, il a promulgué les « lois nouvelles » qui proclament la liberté naturelle des Indiens, et imposent la remise en liberté des esclaves indiens, punissant ceux qui seraient violents envers eux. En 1537, par la bulle Sublimis Deus et par la lettre Veritas ipsa, le pape Paul III a aussi condamné l'esclavage des Indiens au nom de l'Église catholique, ainsi que « d'autres peuples encore qui sont parvenus à notre connaissance ces temps-ci » (Veritas ipsa) et de « tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens » (Sublimis Deus). Paul III affirme que les Indiens et les autres peuples sont de « véritables êtres humains » (Veritas Ipsa), que leur liberté et leur droit de propriété doivent être respectés « même s'ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ » (Sublimis Deus), et que ces derniers doivent être « invités à ladite foi du Christ par la prédication de la parole de Dieu et par l'exemple d'une vie vertueuse » (Veritas ipsa).